BILAN ET PERSPECTIVES DE L’UNION POUR LA MEDITERANEE

Publié le par michel baran

Par Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS

 

Lancée par le candidat Sarkozy lors de la campagne électorale présidentielle, l’idée d’Union méditerranéenne s’est peu à peu transformée en Union pour la Méditerranée, notamment à la suite des vives critiques émises par la chancelière allemande, Angela Merkel.

C’est finalement le 13 juillet 2008 que quarante-trois Etats partenaires euro-méditerranéens – les vingt-sept de l’Union européenne et les seize des rives méridionales et orientales de la Méditerranée – se sont réunis à Paris à l’initiative du président Sarkozy et ont proclamé le Processus de Barcelone – Union pour la Méditerranée.

 

Deux constats s’étaient alors imposés. Le premier, c’est que ce sommet consacrait un véritable succès diplomatique pour la France qui était parvenue à réunir autour de la même table la quasi-totalité des protagonistes euro-méditerranéens, dont des pays qui ont de nombreux contentieux non réglés ; l’exception notable étant la Libye qui a refusé de se rendre à Paris. Le deuxième constat, c’est qu’au-delà de ce succès médiatico-politique, la résolution finale était malheureusement un véritable chef d’œuvre de langue de bois qui indiquait fortement que, au-delà des congratulations d’usage, aucun des défis fondamentaux à la région n’avait été réglé. Six projets structurants ont certes été retenus (dépollution de la Méditerranée, autoroutes de la mer et autoroutes terrestres, protection civile, plan solaire, enseignement supérieur et recherche, initiative de développement des entreprises), mais leur mise en œuvre ainsi que les choix concernant les questions organisationnelles et institutionnelles étaient repoussés à la réunion des ministres des Affaires étrangères planifiée pour les 3 et 4 novembre à Marseille.

 

La préparation de cette réunion ministérielle s’est avérée compliquée. En effet les questions politiques non réglées au mois de juillet sont réapparues avec force au fur et à mesure que l’échéance se rapprochait. Pour aller à l’essentiel, ce sont tout d’abord le statut et les modalités de participation de la Ligue des Etats arabes qui ont cristallisé les difficultés, cette organisation revendiquant en effet un statut d’observateur à tous les niveaux de concertation et de décision du Processus de Barcelone – Union pour la Méditerranée. Les Etats arabes refusent en effet que le partenariat euro-méditerranéen reste structurellement déséquilibré en mettant en présence une Union européenne qui apparaît comme une entité unie alors que les autres composantes seraient individualisées et auraient donc beaucoup moins de poids politique. Le raisonnement est juste, mais on peut toutefois regretter que les Etats arabes ne soient pas souvent capables de se présenter unis pour soutenir leurs projets, ou encore que l’Union du Maghreb arabe, créée en 1989, soit totalement inconsistante. En d’autres termes les dirigeants de la Ligue des Etats arabes ne peuvent reprocher d’hypothétiques tentations hégémoniques de l’Union européenne si eux-mêmes ne sont pas capables de réaliser leur union. En posant cette revendication, une autre découle immédiatement : la réaction de l’Etat d’Israël. En effet, les responsables de Tel Aviv refusaient que la Ligue des Etats arabes puisse participer comme observateur à la totalité des réunions euro-méditerranéennes. Cette divergence explique ainsi l’annulation d’une première réunion des ministres de l’Environnement consacrée aux défis régionaux de l’eau, prévue en Jordanie à la fin du mois d’octobre.

 

Ces questions n’ont évidemment rien de technique. Elles nous ramènent irrésistiblement à la centralité du conflit israélo-palestinien. Le président Sarkozy considérait que ce dossier pourrait être dépassé dans les faits par la multiplication des projets et des coopérations économiques favorisant une nouvelle approche entre monde arabe, Palestiniens et Israéliens. Il n’en est rien : tant que ce conflit ne sera pas politiquement réglé par la réactivation et la conclusion d’un processus de paix, le projet euro-méditerranéen aura les pires difficultés à être pratiquement mis en œuvre.

Le compromis trouvé à Marseille le 4 novembre n’y changera pas grand chose. Cinq postes de secrétaire général adjoint ont été créés, l’Autorité palestinienne, la Grèce, l’Italie, Malte et… Israël en obtiennent un pour une période de trois ans ; en échange la Ligue des Etats arabes acquiert la possibilité de participer en tant que telle à toutes les réunions à tous les niveaux de l’UPM. A contrario le poste de secrétaire général reste vacant, la Tunisie ayant déclaré forfait, mécontente de s’être vue souffler le lieu du siège de l’Union pour la Méditerranée par Barcelone. Certains pays, comme la Syrie et le Liban, s’opposaient d’ailleurs à ce qu’un pays arabe puisse accueillir ledit siège, ce qui, estimaient-ils, aurait indirectement marqué la normalisation des relations avec Israël sans aucune contrepartie.

Nous sommes en tout cas bien loin du dispositif léger prôné initialement par le président Sarkozy, qui devait trancher avec la lourdeur du fonctionnement du Partenariat euro-méditerranéen initié à Barcelone en 1995.

Peut être plus problématique encore, les six projets validés lors du sommet de Paris du mois de juillet ont bien été confirmés, mais sans que l’on sache réellement selon quelles modalités il vont en pratique être mis en œuvre. Aucune échéance précise n’a été fixée, et l’on peut craindre que la crise financière actuelle et les sombres perspectives économiques qui se profilent ne soient guère favorables à la concrétisation de ces projets pourtant utiles et nécessaires.

 

Ainsi le sommet de Marseille des 3 et 4 novembre a permis aux participants de décider d’une nouvelle dénomination, l’Union pour la Méditerranée ; la nomination de cinq secrétaires généraux adjoints ; la participation de la Ligue des Etats arabes en tant que telle ; la désignation de Barcelone comme siège de l’UPM. Mais son incapacité à désigner un secrétaire général et surtout le manque de souffle de cet ambitieux projet montrent les limites de l’exercice.

C’est dans ce contexte que l’offensive israélienne contre Gaza s’est déclenchée dans les tout derniers jours de l’année 2008. Un déluge de feu s’abattant 22 jours durant sur une population désarmée… Les navettes du président Sarkozy au Moyen-Orient se prévalant de sa fonction présidentielle peuvent se comprendre, a contrario se réclamer de son statut de co-président de l’UPM fut beaucoup moins crédible et la multiplication des rencontres et déclarations avec son pair Hosni Moubarak ne fut guère convaincante. Comment en effet penser que l’UPM pouvait contribuer à obtenir un cessez-le-feu, alors que l’agresseur et l’agressé faisaient partie de la même structure, et que les premiers restaient sourds à toute forme d’argument ? Depuis ces tragiques événements l’UPM est en veilleuse et toutes les initiatives ont été gelées. Ce n’est que dans les derniers jours de juin qu’enfin des réunions communes se sont tenues. Il est encore trop tôt pour considérer que c’est un nouveau départ pour l’UPM.

 

Quoiqu’en pensent les protagonistes, c’est par l’initiative politique et non par la plomberie institutionnelle que les blocages qui affectent la région méditerranéenne pourront être dépassés. Les défis sont immenses, et si les différents responsables ne se hissent pas au niveau de leurs responsabilités, le projet restera lettre morte. Nous stagnerions alors dans la situation où la Méditerranée reste la frontière la plus inégalitaire du monde entre les pays qui en partagent le pourtour. Si les partenaires de l’Union pour la Méditerranée ne sont pas capables de relever ce formidable défi, d’autres pays tenteront de le faire à leur place. Les Etats-Unis par exemple accroissent depuis plusieurs années leur présence économique et militaire dans cette région sensible pour l’équilibre du monde. Le président Obama poursuivra dans cette voie, les membres de l’Union pour la Méditerranée doivent donc prouver leur capacité de proposition pour contribuer à ce que le nouveau président états-unien opère une véritable rupture avec l’unilatéralisme désastreux de son prédécesseur.

L’initiative de Nicolas Sarkozy a au moins eu le mérite de réactiver les débats sur les enjeux méditerranéens, il faut maintenant passer à la vitesse supérieure en développant enfin des initiatives visant à réactiver un processus de paix digne de ce nom entre Israéliens et Palestiniens puis en concrétisant les projets retenus dans les meilleurs délais.

L’Union pour la Méditerranée, un an après

 

Dossier dirigé par Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS et Barah Mikaïl, chercheur à l’IRIS

 

Alors que l’Union pour la Méditerranée (UPM) fête son premier anniversaire, on demeure bien loin de pouvoir afficher un satisfecit plein et entier devant ses évolutions générales. Certes, là où certains verront un verre à moitié vide, d’autres pointeront la présence d’un verre à moitié plein. Et il va de soi que tout ne saurait être qualifié d’entièrement sombre sur le plan des relations euro-méditerranéennes.

 

Cela étant dit, on était aussi en droit de s’attendre à des évolutions plus significatives pour ce qui relève des avancées de l’UPM, projet sur lequel la France d’abord, les Etats européens ensuite, semblaient avoir placé tant d’espoirs. Et pourtant, ce n’est qu’à partir de la fin juin 2009 que les acteurs et membres de cette initiative, et plus précisément ceux situés au Sud et à l’Est de la Méditerranée, ont décidé de reprendre leurs réunions, après six mois de suspension dues à l’offensive israélienne contre la bande de Gaza et ses répercussions. Le message aurait-il pu être plus clair ? Les blocages de l’UPM passent bel et bien par le politique avant tout. Le projet d’UPM a-t-il dès lors à se concentrer sur des aspects essentiellement politiques avant que de prétendre à l’exploitation d’autres horizons ? Il serait probablement tout aussi abusif de le penser. L’UPM a en effet besoin d’avancées multiples et concrètes, tous domaines confondus, afin de prouver sa pertinence et sa faisabilité. Et c’est d’ailleurs la vocation de ce dossier que de se pencher sur certains de ces aspects qui continuent à prouver que, malgré tout, la consolidation des relations euro méditerranéennes demeure réalisable, forte qu’elle est d’acquis et de déterminations d’ores et déjà existantes et abondant en sa faveur.

 

http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article1609

http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?rubrique66

 

Comme prévu les exigences allemandes d’associer l’UE dans sa globalité à l’UPM a saboté l’initiative française Tel était certainement le but secret de la diplomatie allemande pour empêcher la France de tenir son rang dans le monde : à savoir d’être la nation sainte d’occident et de l’enfermer dans une conception politique raciale

Billion fait porter sur le conflit palestino/israélien la mise en parenthèse de l’UPM ùais cela semble être un parti pris malhonnête pace que ce n’était qu’un conflit très circonscrit, qui arrangeait pas mal de gouvernements arabes modérés (voir archives) De plus même s’il y a beaucoup d’Etats musulmans au sein de l’UPM il n’y pas que des Etats musulmans

Maintenant il s’agit de se dégager  de la lourdeur européenne centrale et orientale pour revenir au projet initial et de faire vivre les projets retenus (dépollution de la Méditerranée, autoroutes de la mer et autoroutes terrestres, protection civile, plan solaire, enseignement supérieur et recherche, initiative de développement des entreprises),, d’y ajoute une chaîne de télévision culturelle méditerranéenne afin que les peuples se connaissent mutuellement, et de mettre de côté les questions institutionnelles qui divisent tout le monde et n’apportent rien

Publié dans UNIION MEDITERANEENNE

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