CONCLUSION : Une politique sexuelle s’impose

Publié le par michel baran

Un certain nombre d’idées maîtresses se dégagent du livre. La première et  (peut-être) la plus importante est que depuis l’aube de l’humanité il y a une question sexuelle qui comporte plusieurs facettes : religieuse (donc métaphysique), de domination, de plaisir et de  procréation.

Ce problème n‘a jamais été globalement et sérieusement traité. Avant l’apparition du judaïsme certains cultes païens assimilèrent des éléments sexuels de façon plus ou moins choquante, voir immorale (du moins ces cultes avaient-ils l’avantage de ne pas faire de la fonction sexuelle quelque chose de sale ou de tabou). Mais depuis l’apparition du judaïsme, et avec l’extension du monothéisme (sous ses trois principales modalités) la sexualité n’a été traitée que sous l’angle exclusif de la morale et de la procréation.  On se souvient des hypothèses  émises (début de la troisième partie) sur la répression de la sexualité en vue d’édifier les civilisations, et bien qu’elles soient invérifiables, je les crois en très grande partie justes.

L’état  d’avancement des civilisations dans leurs aspects techniques, (facilité de production de biens, facilité de communication, perte du sens religieux, donc de celui du sacrifice), ainsi que l’instauration d’une société hédoniste encouragée par les diverses formes de publicité rend aujourd’hui  (pour les raisons analysées au début du livre) le problème sexuel bien plus préoccupant qu’auparavant. On peut même penser que de la manière dont il structure les individus et les sociétés (dans laquelle il est plus ou moins bien intégré) dépend le degré de tranquillité des individus entre eux, et par contre coup de ces sociétés entre elles - puisque les sociétés, d’après ce que dit Platon dans sa « république[1]  »ne sont que le reflet de ceux qui la composent).

La première des choses à constater est l’ambiguïté du statut du corps dans l’esprit des personnes normales (celles qui ne sont ni trop religieuses,  ni engagées dans un mouvement contre les sectes ou féministes). Ce statut a changé ; il est entre celui de la propriété privée, celui d’une arme de guerre et de domination (séduction) et celui d’un bien collectif (appel aux dons du sang et d’organes). Ces trois statuts ont toujours coexisté mais avec des intensités infiniment moindres qu’actuellement.

Les notions qui exacerbent ce contraste sont celles d’individualité (qui englobe la liberté et l’égoïsme[2] ), de facilité de vie pour l’écrasante majorité des membres des société occidentales. N’ayant plus les mêmes problèmes pour se nourrir qu’au début de l’ère industrielle et ayant de plus en plus de temps libre grâce à la législation ou à cause du chômage, les mécanismes de répression du plaisir en général, et sexuel en particulier, ont perdu une bonne partie de leur puissance justificatrice.

Les choses considérées (et considérables) comme futiles (la mode, le tiercé, la  voiture etc.) prennent de plus en plus de temps au détriment de choses réellement importantes (développement intellectuel, donc spirituel, harmonisation des relations interpersonnelles, lutte contre la pollution). La sexualité est considérée comme futile (même par ses plus ardents pratiquants) parce qu’ils la pratiquent n’importe comment, avec n’importe qui et que ce désir sexuel est provoqué consciemment sans prévoir les moyens de l’assouvir honorablement par ceux qui ne sont pas mariés et n’ont pas de concubin(e)s.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet il me faut faire un nouveau détour par la tendresse (voir la première analyse de la tendresse dans la première partie). Il n’est pas aisé de définir ce concept : parfois il précède et annonce l’amour, il l’accompagne toujours (sauf si celui-ci est purement sexuel), d’autres fois il subsiste après le divorce. La  tendresse n’est donc pas l’amour, elle n’est ni plus ni moins que l’amour, et pourtant leur proximité est extrême. Par contre je crois qu’on peut dire que la simple sympathie est en dessous de la tendresse.

S’il est difficile de donner une définition de la tendresse, il est par contre facile de repérer ses manifestations. Celles-ci sont de deux ordres : physiques et psychologiques. Dans l’idéal l’un ne va pas (ou rarement) sans l’autre. Les manifestations physiques consistent en des bises, à prendre l’être dans ses bras, le caresser (de manière chaste), lui passer les doigts dans les cheveux, etc. La manière psychologique est de prendre le temps d’écouter, de savoir consoler, réconforter ; conseiller sans juger.

L’aspect psychologique de la tendresse est différent de celui de l’amour. Alors que l’amour implique la dépendance dans un rapport de force, de puissance qui s’inscrit sur et dans le corps,  la tendresse implique cette même dépendance dans une relation de confiance, d’abandon, de douceur et de légèreté.

La confiance et l’abandon sont indispensables pour recevoir des marques de tendresse parce qu’on remet le corps entre les mains de quelqu’un d’autre. Cela suppose de retrouver l’état d’esprit de l’enfant qui va se blottir dans les bras de sa mère pour être cajolé. Par ailleurs, un rapport d'amitié peut exprimer de la tendresse sans maternage.

Il n’est pas nécessaire que les marques physiques de tendresse soient réciproques et simultanées. Lorsque quelqu’un console un  ami ou  parent, il se peut que la tristesse soit trop intense pour que le consolé puisse répondre physiquement ou verbalement à la personne consolatrice, il se peut même que sur le coup il soit indifférent à toutes marques de tendresse, cependant il ne fait pas de doute qu’une fois apaisé, le souvenir de ces marques lui feront rétroactivement le plus grand bien.

Or de nombreuses catégories de la  population sont privées de tendresse : les soldats, les hospitalisés sans famille, les handicapés, les vieillards en maison de retraite, les veufs, célibataires majeurs et orphelins, les prisonniers[3] . 

Pour toutes ces raisons je  préconise la création d’un nouveau métier qui tiendrait à la fois des psychologues (qualité d’écoute) et des prostituées (sans aller jusqu’aux relations sexuelles) mais dont les membres seraient chargés de caresser, embrasser, consoler etc. Cette nouvelle profession rentrerait dans le cadre des professions paramédicales, interviendrait dans les hôpitaux, foyers, casernes, prisons et pourrait avoir des cabinets privés de consultation. N’importe qui pourrait les consulter mais les personnes dont j’ai dressé la liste auraient droit à une certaine prise en charge par la sécurité sociale.  Cette profession serait astreinte au  secret professionnel. Ainsi existe-t'il[4] en Hollande le « Service de Relations Alternatives (SAR) et en Allemagne le SENSI.

La SAR procure des relations sexuelles (y compris homosexuelles) remboursées par la Sécurité Sociale. La SAR et la SENSI procurent au personnel une formation sur les handicaps et la sexualité.

C'est une ébauche du « service sexuel universel » que je propose, et il serait grand temps que la France s'inspire de ces exemples étrangers, non seulement afin de nous soulager, mais aussi pour assainir l'ambiance des foyers.

Me dira-t-on que comme l'amour, la tendresse ne s’achète pas ? Je crois que le fait de poser des actes concrets, reçus et donnés la font naître celle-ci chez le receveur comme la donneuse[5] . Un véritable sentiment de tendresse peut réellement apparaître chez les protagonistes, même si dans un premier temps le fait de donner des actes de tendresse n’est motivé que par le besoin de gagner sa vie ; Pascal écrivait  dans ses « pensées » : « pour avoir la foi mettez-vous à genoux[6]  ».

J’attends de cette réforme sociale et sentimentale, si elle voit le jour dans une de nos sociétés industrielles[7] , qu’elle décrispe les individus, et par voie de conséquence qu’elle facilite les relations humaines et empêche plus ou moins la formation de la carapace dans laquelle nous sommes encouragés à nous enfermer dès l’enfance (voir le « modèle du soldat » fin de la seconde partie plus note). Je suis certain que si cette réforme était adoptée, il y aurait  moins d’agressions sexuelles, parce que c’est le « froid » de la solitude corporelle et sentimentale qui pousse parfois les hommes à s’imposer violemment aux femmes. Peut-être rendra-t-elle moins urgentes les réformes purement sexuelles que je serai amené à proposer.

 

Je reviens aux propositions purement sexuelles. Je suis parfaitement conscient que la quasi totalité du monde occidental poussera des hauts cris au nom des notions parfaitement contradictoires que sont la liberté individuelle et la pudeur. Il faut d’abord  établir pourquoi ces notions sont inconciliables.

 

La liberté au sens plein, le seul que j’accepte,  c’est de faire ce qu’on veut où on veut, quand on veut, comme on veut, avec qui on veut.  Bien que cette définition soit radicale et soit officiellement rejetée par l'occident, elle sous-tend néanmoins son organisation sociale ainsi que le montrent les législations sur le mariage, le divorce, l’avortement et l’euthanasie [8].

La pudeur est divisible en deux : la pudeur de son  corps qui consiste à ne pas vouloir l'exposer au regard de tous, et la pudeur des yeux qui consiste à ne pas vouloir voir la nudité de n’importe qui. Ordinairement chez l’écrasante  majorité des gens ces deux pudeurs sont conjointes, pourtant il peut y avoir disjonction de pudeurs chez les exhibitionnistes et les voyeurs.

Il faut bien convenir que le sentiment de pudeur n’est pas ressenti également à tout moment par  l'humain. Le fait de ressentir les pulsions sexuelles fait sauter en partie le sentiment de pudeur ; et celui-ci saute tout à fait pendant l’acte sexuel lui-même (en effet, ce sentiment rendrait très difficile, pour ne pas dire impossible la pratique de la sexualité). On peut donc en déduire que la pudeur (donc l’impudeur) ne sont pas des sentiments naturels à l'humain (psychologiquement s’entend), mais tous nos actes ont leurs racines dans la pensée  universelle déterminée par la psychologie particulière à chaque individu.  En effet, selon la « genèse » la pudeur apparaît après avoir mangé le fruit de l'arbre défendu : « et ils virent qu’ils étaient nus », mais pourquoi le premier effet de la connaissance de la différence entre le bien et le mal est-il de jeter un tabou sur la nudité ? Dans l'abstrait ceci n’a aucun sens, mais relié au développement de sociétés, comme je l'ai fait, cela prend tous son sens.

 J’ai établi au début  du chapitre que notre corps nous appartient de moins en  moins (médicalement) et que ce serait faire preuve d’un inacceptable égoïsme de n’être ni donneur de sang,  ni donneur d’organes. Mais il faut aller plus loin dans la  philosophie de la « désappropriation » du corps . Ou que l'on porte le regard, la propriété de soi sur soi est violée (dans des circonstances plus ou moins bénéfiques, ou dramatiques pour soi et pour la société : vaccination obligatoire, fouille au corps pendant la détention,  obligation d’accepter d’être soigné par n’importe quelle personne lorsqu’on a pas les moyens de salarier quelqu’un chez soi etc.) et cette « désappropriation » du corps me semble correspondre à la métaphysique que j’ai exposée au premier chapitre (abolition de la personnalité en Dieu, et ici-bas, jusqu'à un certain point, abolition du corps souffrant dans une  « humanité soignante ») qui est préparée par la perte progressive de la souveraineté sur notre corps au profit des besoins et droits de ceux qui nous entourent.

Or l'un des premiers besoins et droits de ceux qui nous entourent (outre la nourriture, le vêtement et le logement) est d’avoir une sexualité[9] épanouie, soit en ayant un mariage harmonieux, soit en trouvant des prostituées fières de leur travail (donner du plaisir sexuel donc de la détente musculaire et psychique) dans des « maisons du sexe » décentes (voir troisième partie), enfin libérées du proxénétisme non étatique.

Afin que les mariages réussissent il faut qu’ils soient préparés tant sur les plans sexuel que psychologique, c’est ce que devra faire l'éducation .

A l'école, durant les récréations, aucune action ne devra être faite pour décourager ou encourager les jeux à connotation sexuelle (sauf pour éviter les actes contraints par la violence). Tous les jeux sexuels devront être notés, répertoriés par des observateurs/trices formé(e)s ou bien des psy-érotologues (date, âge, nom, acte, durée, comportement pendant et après  l'acte) et ce dossier devra suivre l'enfant jusqu’au mariage plus une période de sûreté de dix où quinze ans après le mariage pour éviter les divorces en faisant une « sexothérapie » sur le couple.

 Six mois avant la majorité des élèves, tous ceux qui auront eu des comportements ou des paroles à connotations sexuelles passeront une série d’entretiens approfondis avec une psy-érotologue. Durant cet entretien sera diffusé un media érotique consacré à une ou deux positions ; les réactions de l’élève seront filmées, si l'élève ressent le besoin durant la projection d’utiliser la ou le psy-érotologue (qui sera nécessairement du sexe opposé à celui de l'élève, à moins qu’il soit homosexuel(le) )  celui/celle-ci devra y consentir.

A dix-huit ans tous les élèves (filles comme garçons) devront effectuer un « service[10] sexuel universel » durant un mois, pendant quatre heures par jour dans la « maison du sexe[11]  » la plus proche du domicile. Il n’y aura pas de dispenses accordées pour des raisons de sentiments. Elles ne le seront que si manifestement le service contrarie des dispositions très profondes à la pudeur et à la chasteté (cela se saura grâce au dossier sexuel soigneusement tenu à jour). Les critères d’attribution des dispenses devront très simples : il faudra que l'on ait jamais entendu l'élève prononcer de jurons ou blagues sexuelles, qu’il n’ai jamais embrassé sur la  bouche quelqu’un de l'autre sexe,  qu’elle ne porte jamaisde minijupe, jupe fendue, ni pour les garçons de short.  Pour plus de sécurité encore, une visite médicale et un certificat de virginité sera imposé aux filles (on ne peut malheureusement pas imposer d’équivalent aux garçons) et enfin un certificat d’assistance régulier à un culte serait recevable mais non obligatoire (il y a des athées chastes).

Le service sexuel universel, s’il voit le jour,  aura plusieurs objectifs : désacraliser  l'acte sexuel en découplant le sexe du sentiment amoureux, donner une solide formation psychologique et sensuelle,  informer très physiquement sur les moyens contraceptifs et recruter du personnel (des deux sexes) aimant ce travail pour les « maisons du sexe ». Il y aurait dans chaque « maison du sexe » une section homosexuelle et sadomasochiste mais aucun élève ne serait contraint d’y servir (les seules matières obligatoires seraient : la masturbation, fellation, pénétration vaginale, et enfin « 69 »).

La nécessité de dissocier la sexualité du sentiment amoureux a au moins deux motifs : le premier est inscrit en filigrane du livre ; la sexualité peut être un moyen thérapeutique pour traiter les angoisses dépressives [12] ; c’est une méthode d’urgence (au même titre que le secourisme classique), chacun de nous pourra être requis de porter assistance à n’importe qui (ce qui ne signifie pas que l'on tombe amoureux de ceux (ou celles, à qui on  fait l'amour). Le second motif qui milite pour la dissociation de la sexualité et de l'amour est la lutte contre la jalousie (donc contre la possessivité poussée à l'extrême). La jalousie, en effet, est à l'origine des plus grands drames domestiques, qui bien souvent finissent au mieux par le divorce, au pire par un meurtre. En outre si l'on prend au sérieux l'idée que l'humanité est une seule  famille (cette idée, au moment ou je l'écris, 12 septembre 2001, paraît incongrue, absurde,  d’une criminelle naïveté  et tolérance, et pourtant il faut s’y accrocher) cela doit inciter chaque humain à se donner sans restriction à ceux qu'il côtoie.

On comprend dans ce contexte pourquoi il est absolument nécessaire que chacun reçoive une solide formation psychologique et sexuelle pour décrypter les attentes, angoisses, phobies, bref les besoins des requérants (y compris si ces demandes sont exprimées en termes de viol). Il faudrait inscrire dès la terminale des cours de psychologie pour qu’arrivés à la « maison du sexe » les étudiants puissent assimiler l'enseignement qu’ils recevront durant la première semaine  du service sexuel. Parallèlement,  dès la première semaine, seront étudiés sur les corps des étudiant(e)s eux-mêmes les zones érogènes, ainsi que les points de massages relaxants connus par les thérapeutes asiatiques. La première moitié de la seconde semaine les étudiant(e)s seront pris en main par des prostituées professionnelles pour leur enseigner les différentes méthodes de masturber, sucer, caresser, sodomiser, pénétrer, que ce soit activement ou passivement. Et  enfin, durant les deux semaines et demi restantes les étudiants devront contenter, satisfaire n’importe quel client qui  voudra les utiliser. Cette dernière phase n’est pas la moins importante parce que, premièrement ils apprendront quelques uns des infinis moyens de faire chaque geste sexuel et de passer outre les apparences (il n’y aura pas seulement de beaux ou belles client(e)s), ils apprendront à toucher l'âme des personnes, et secondement au moment de tomber amoureux ces personnes verront au-delà de l'enveloppe charnelle pour lire les dispositions psychologiques à travers les gestes sexuels.

 Si après le service sexuel certains étudiants veulent en faire leur profession, il faudra leur donner un cours d’histoire du sexe et de la prostitution (un peu comme ce que j’ai fait au début du troisième chapitre) mais en valorisant les notions,  les civilisations où la prostitution était un acte normal (ainsi que je l'ai rapporté plus haut) et en les présentant comme des précurseurs  du service sexuel  universel.

Cette désacralisation du sexe ne servirait à rien si on ne prenait pas simultanément toute une série de mesures pour rendre l'environnement social moins « érotogène » (parce que contrairement à ce qu’on pourrait croire, ou feindre de croire, je ne cherche pas à exacerber l'instinct sexuel mais à l’apaiser, le pacifier pour rendre l'homme plus équilibré,  pacifié,  et pacifique).

La première chose à faire est de respecter dans l'espace public la pudeur des yeux en respectant la pudeur du corps tant féminin que masculin, et donc il y a une écologie visuelle à mettre en place.

La publicité ne sera plus admise à exploiter les corps de façon aussi impudique (corps à demis nus pour vendre une voiture, jeux lascifs avec une bouteille fraîche en été), toutes ces images placardées sur les murs des villes, diffusées sur les télévisions (sans compter les « 3615 Ulla » et autres, qui sont visibles un peu partout)  seront strictement interdits. Le « bureau de vérification de la publicité » se verra doter d’une section « éthique »  chargée de veiller au respect de l'image du corps humain dans toutes les formes publicitaires. [13] On s’attendrait peut-être à ce que sur ma lancée moralisatrice je préconise l’interdiction des films érotiques et pornographique à la télévision ? Mais cela aurait un effet contraire au but recherché et contribuerait à faire de la sexualité quelque chose de spécial et de « sale » (en outre cela pénaliserait les populations les moins favorisées sexuellement : (prisonniers, handicapés, voyeurs,  obsédés sexuels). Ces films devront donc continuer à être diffusés aux mêmes heures qu’actuellement, mais il sera fait obligation à une chaîne publique de passer une fois par mois un film pornographique pour que les  personnes n’ayant pas  la possibilité économique de s’abonner à « canal+ » ne soient pas frustrées d’un service.

Il est certainement difficile pour certain(e)s de supporter en été un vêtement sur la peau lorsqu’il fait des trente à l'ombre ; mais il faut savoir que chez beaucoup d’hommes la chaleur exacerbe les besoins sexuels, notamment à cause de la transpiration autour des parties sexuelles et de l'érection naturelle que cela provoque. Aussi n’est-il pas recommandé d’ajouter à cette excitation naturelle et involontaire une excitation érotique et parfaitement volontaire qui s’inscrit dans la tenue des femmes (déjà tant de fois décrite ici que je n’y reviendrai pas) . De longues jupes dans un tissu extrêmement fin et pourtant parfaitement opaque à la simple vue, ou à l'inquisition persistante de l'oeil vicieux sont tout à fait faisables. Ne pas se soumettre à cette pudeur vestimentaire élémentaire est faire preuve du plus complet mépris de son corps de femme et de la difficulté qu’ont les hommes à rester chastes dans de telles circonstances. C’est pourquoi, si toutes les réformes précédentes étaient adoptées, aucune plainte émanant de femmes habillées de façon impudique ne serait prise en considération, l’habillage étant considérée comme une  acceptation [14] inconditionnelle à rendre des services sexuels gratuits. Par contre, il est bien évident, toujours dans l'hypothèse où toutes ces réformes étaient mises en place, les violeurs de femmes pudiquement vêtues seraient très sévèrement punis (d’autant plus sévèrement que toutes les structures pour soulager les urgences sexuelles et sentimentales, seraient mises en place).

Cependant le désir de faire du nudisme, de sentir sur tout son corps le soleil et le vent peuvent être si intenses qu’ils feront immanquablement passer outre  les règles les plus élémentaires à la pudeur ; aussi je préconise la création dans chaque ville de parcs, ou à l'intérieur des parcs déjà existants, d’espaces où comme sur les plages, l'on est autorisé à faire du nudisme. Ce n’est pas une officialisation du vice mais la prise en compte,  la canalisation de la faiblesse charnelle humaine pour restreindre au maximum le pouvoir de nuisance (je renvoie en outre aux analyses faites précédemment concernant la moindre nocivité du nudisme par rapport à une fausse pudeur qui ne cache que les organes sexuels en laissant l'imagination vagabonder sur les parties qui y conduisent[15] ).

 

 

La dernière pièce de ma politique sexuelle concerne la réforme du mariage et du processus du mariage.

La première des réformes à faire est d’inscrire dans le code civil la possibilité (mais non l'obligation) de la polygamie ainsi que de la polyandrie pour permettre l'élargissement de la famille à  l'amant(e) avec l'accord du conjoint. Si le conjoint refuse (ce qui est son droit) mais qu’il demande le divorce, celui-ci sera prononcé à son détriment parce qu’il sera considéré que le demandeur fait preuve d’un amour et d’une tolérance insuffisante. Le refus[16] (avec maintien du mariage) entraînera le droit légal à l'établissement d’un nouveau foyer avec tous les privilèges qui s’y rattachent. Par contre le fait de dissimuler une liaison durable à son conjoint, en ce qu’elle empêche l'harmonisation du couple, et de la société dans sa plus petite cellule qu’est la famille, sera rigoureusement sanctionné.

La seconde réforme concernant le mariage sera de l'encourager par des spots publicitaires mettant l’accent  sur la sécurité affective et sensuelle qu’il procure (des incitations fiscales seront accordées [17] aux nouveaux mariés). Ces spots feront la promotion  de tous les couples hétérosexuels possibles (jeunes et vieux, inter raciaux, et valides et handicapés).

Dans le même temps les mariages spontanés, c’est-à-dire résultant de rencontres, seront fortement déconseillés. Il sera créé  des « maisons d’union » qui se chargeront dans chaque ville, de faire des recherches maritales à  la demande des personnes.

Chaque « maison d’union » sera doté d’ordinateurs reliés à un fichier central (confidentiel) où seront archivées les observations sur les comportements sexuels faites tout au long de la scolarité, plus celles faites par les psychologues lors des visions des cassettes pornographiques, et enfin les quelques moments filmés au hasard durant l'éducation par les client(e)s à la « maison du sexe » . En plus de ces données, il sera fait une enquête psychologique très minutieuse sur la personne pour connaître ses goûts et son caractère (aime-t-elle lire, le cinéma, qu’aime-t-elle, est-elle patiente, impatiente, jusqu'à quel point, etc.) puis il sera procédé à une étude comparative de toutes les fiches et à la mise en relation des caractères compatibles. Une fois le couple formé, le dossier sera archivé jusqu’à ce que l'un des deux atteigne soixante-quinze ans pour pouvoir  intervenir à tout moment en cas de tensions graves pouvant aller jusqu’au divorce, ou pour procéder à un éventuel remariage consécutif à un décès (on pourrait penser que cela ferait double emploi avec le personnel des « maisons du sexe » telles que les sexologues ; je ne le pense pas parce que ces derniers ne seraient chargés que d’améliorer les relations sexuelles, alors que personne ne veut divorcer ;  tandis que la « maison d’union » interviendrait pour éviter les divorces, il pourrait naturellement y avoir des collaborations entre ces institutions.

Les personnes s’étant rencontrées par hasard pourront demander une étude psychologique comparative pour savoir s’il y a vraiment quelque chose de commun entre elles au-delà  du « coup de foudre » initial ; mais ce sera en dernier ressort à elles de savoir si elles veulent ou non tenir compte des recommandations implicites ou explicites du rapport de compatibilité psychologique et sexuelle. Les « maison d’union » feront le même travail de recherche pour les homosexuels,  elles favoriseront même la constitution de couple à trois (deux homosexuel(le), un(e) hétérosexuel(le)) si cela peut ramener un homosexuel dans la norme. La première recherche sera à la charge de la sécurité sociale parce que le bonheur sentimental et sexuel a une influence très directe sur la criminalité et les maladies psychosomatiques, mais si la personne refuse la ou les propositions faites, les recherches ultérieures seront à sa charge.

 

Je suis conscient du fait que cet essai s’expose à un certain nombre de critiques dont quelques unes se contredisent . Je vais essayer d’y répondre par avance : on peut me dire que j’ai un regard trop rationnel sur un sujet qui ne l'est pas, que je fais bon marché de la liberté individuelle, que je favorise l'impudeur ou au contraire que j’ai une conception rétrograde (voir victorienne) de la pudeur, que je fais exploser la famille traditionnelle monogame, et enfin que j’emprisonne les personnes dans les liens du mariages.

Prises isolément ces critiques sont exactes, cependant si on considère chaque position à la lumière des précédentes et des suivantes, on s’aperçoit que ces critiques s’annulent mutuellement.

Si on peut me dire que j’ai un regard trop rationnel sur un sujet qui ne l'est pas, et que mes propositions peuvent sembler utopiques, je répondrais ceci : les comportements et les sentiments de l'humain produisent des réactions qui sont  prévisibles (même s’il y a un éventail de réactions possibles selon les individus, mais cet éventail est connu, et par les tests décrits précédemment on peut parer aux dangers) .

Or les comportements sexuels et sentimentaux ont des répercussions sociales qui très souvent sont négatives (viols divorces etc.), non seulement on peut mais on a le devoir moral de prévenir ces catastrophes au même titre que nous devons dénoncer à la police le plan d’un malfaiteur.

L'humain connaît donc la loi de la causalité inexorable, il sait aussi que cette loi ne s’est pas étendue à toutes les sphères de l'activité, et que si elle l'était dans la perspective du bien, elle éviterait de très nombreux crimes. Est-ce utopique de vouloir étendre la raison aux relations humaines ? Pour être plus précis, il me semble qu'après la découverte d'un vaccin, celui de Pasteur contre la rage par exemple, il était logique d'obliger les parents à faire vacciner leurs enfants. Devait-on s'en abstenir sous prétexte que la mort est une composante de la vie ?

Il est exact que d’une certaine façon je fais bon marché de la liberté individuelle, cependant qu’on y songe, n’était-ce pas un manque à la liberté que d’imposer la vaccination pour sauver des vies ? 

 

Sur le plan sexuel, il y a aussi danger de mort de la victime après un viol quand le violeur ne veut pas être reconnu par la victime. Mais il y a aussi une autre sorte de mort, la mort psychologique de la victime qui doit renaître à elle-même (faut-il en outre rappeler l'étroite connexion entre la sexualité et la volonté, ou le désir de puissance ? Lequel non dirigé, non canalisé,  aboutit trop souvent à son ultime expression : la mort .

Mais je fais remarquer que je n’impose presque rien (hormis les entretiens avec la psychologue pour l'éducation sexuelle et le respect du corps, surtout féminin, dans la publicité), on peut même ne pas faire le service sexuel universel si on est bien éduqué par la famille ou si on est naturellement chaste. En outre j’accorde la liberté d’aimer légalement plusieurs personnes ainsi que celle de faire du nudisme en pleine ville. On voit donc que ces reproches s’annulent mutuellement.

Il me sera également très facile de répondre aux accusations selon lesquelles je  fais exploser la famille traditionnelle monogame, et que j’emprisonne les personnes dans les liens du mariage. L’anthropologie, la sociologie  et l'histoire nous apprennent que l'humanité n’a jamais connu de modèle unique familial (et donc la monogamie n’a jamais connu de règne universel). D’autre part la famille monogamique a connu une notable évolution :  au départ, le modèle de la famille occidentale comprenait les ascendants et quelques fois les collatéraux ; puis au cours du dernier siècle, sous l’influence de l’individualisme la famille s’est réduite à la cellule parentale (père, mère, enfant) , parfois elle est devenue monoparentale ou recomposée. Toutes ces modifications se sont inscrites dans la loi sans tenir le moins du monde compte des répercussions morales et affectives sur les adultes comme sur les enfants. On voit donc que la désagrégation de la famille a commencé bien avant l'éventuelle introduction de la polygamie, et je crois que  la possibilité de la polygamie (ou du moins de la bigamie) pourrait renforcer en l’élargissant le lien familial. Paradoxalement mes propositions restrictives sur le divorce  peuvent donner l'impression que j’enchaîne les personnes dans leurs familles ; mais en réalité je leur offre la plus grande des libertés [18] : celle de ne pas choisir, d’aimer l'un(e) et l'autre, d’étendre le droit d’aimer en toute légalité.

 

J’en arrive à la dernière des accusations (qui me semble aussi la moins grave) selon laquelle je favorise l'impudeur, la  pudeur ou au contraire que j’ai une conception rétrograde (voire victorienne) de la pudeur. Mon objectif est de concilier ce qui apparemment ne peut  l'être :  faire baisser l'excitation libidineuse inhérente aux hommes lorsqu’ils voient un corps de femme trop dénudé, préserver une certaine liberté comportementale des femmes, et enfin permettre à l’instinct impudique qui est en tout humain de pouvoir être librement et légalement assouvi sans que cela ne choque personne, ni ne déclenche aucune pulsion de  viol. Pour cela il fallait imposer des tenues chastes dans l’espace public commun à tous,  mais aussi une restriction de cet espace public pour en donner une portion à ce que certains nommeraient des « vicieux » mais qui en réalité ne font que suivre leurs instincts charnels, donc naturels.

La révolution sexuelle que je viens d’esquisser est, on le voit, bien plus profonde que celle de dix neuf cent soixante huit  parce qu’elle ne s’attaque pas seulement aux comportements répressifs et inégalitaires sexuels, mais parce qu’elle change la conception de la sexualité, qu’elle la fait passer du statut  ludique plus ou moins avouable  (tabou, dont on fait de grasses plaisanteries) à un statut « religieux » (au sens de relier) curatif parce qu’elle décontracte et fait baisser les probabilités de conflits violents entre personnes ; et à un statut politique (dans le sens où la politique est la gestion des relations humaines avec comme but principal de faciliter la coopération de chacun avec tous pour le bien-être du plus grand nombre).

 

Je résumerai ainsi en une phrase cette conclusion : je propose un nouveau regard sur  l'amour, la famille, la fidélité et la sexualité.

 

 

 

ACHEVE LE 22 SEPTEMBRE 2001



[1]«   République » L IV 442, 44d

[2]  La liberté telle que je la conçois n’est jamais altruiste parce qu’elle est totale ; n’ayant de compte à rendre qu’à elle-même.

Beaucoup de religieux se donnent un mal de chien pour concilier lois et liberté ; les lois seraient d’après eux les conditions indispensables pour l’exercer.

En réalité,  les lois, qu’elles soient imposées par une autorité extérieure ou par la conscience sont une limitation de la liberté, ou plus exactement une limitation des possibilités d’action au nom d’impératifs moraux censés s’imposer à tous.

[3]  Les prisonniers, même et surtout s’ils sont coupables, ont besoin de tendresse pour deux raisons. La première est  le caractère homosexuel de la population pénale, la seconde est que seuls des gestes tendres peuvent désamorcer la tension inhérente à la prison ; mais surtout, si l’on prend au sérieux le  rôle de réinsertion de la prison, il faut bien comprendre que nulle  réinsertion n’est possible sans conversion du cœur,  et que cette conversion n’est pas possible dans une ambiance ou il n’y a quasiment  (ou presque)  que des rapports de forces .

[4] « un amour comme les autres » Docteur Soulier, Edition APF

[5] Le béhaviorisme ne prend en compte que le comportement. Les réactions émotionnelles sont d’origine conditionnée basées sur des relations comportementales primaires se créant par de nouvelles organisations.

Ce qui fait que plus la thérapeute exercera ses fonctions dispensatrice, plus  elle ressentira réellement de la tendresse et de la compassion pour ses patients.

PSYCHOLOGIE »AUTEURS : Mariné & Escribe  - EDITION « la press »

[6]1  Citation libre

[7]  Je pense en effet que les sociétés agricoles ou peu industrialisées sont moins touchées par la dégradation des relations humaines parce que le temps est différent.

D’un côté,  il est plus astreignant à cause des bêtes et des saisons, d’un autre cô  la taille réduite des villes et des villages permet d’éviter les embouteillages, l'on prend plus facilement le temps de parler aux gens dans les commerces, et enfin la publicité murale est moins omniprésente ce qui peut éviter d’accroître les envies inutiles.

Peut-on revenir sur un processus d’urbanisation (détruire les grands bloc d’immeubles, les grandes surfaces commerciales et reconstruire des village à l’ancienne, avec naturellement toutes les commodités privées, eau courante, électricité, etc. mais en n’ayant que des petit commerces ?  Je ne le sais pas, mais il serait intéressant de faire l’expérience et de voir si les terres anciennement macadamisées redeviennent cultivables (et à quel point).

[8]  La plupart du temps  ces quatre actes sont faits sans aucune considération des suites. Ainsi le mariage (ou le concubinage)  est décidé sur quelques critères partiels : beauté corporelle,

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