HISTOIRE DU TIBET

Publié le par michel baran

En 1990, la population du Tibet était officiellement estimée à 2 220 000 habitants. C’est la région la moins peuplée de Chine, avec une densité de 1,8 habitant au km2. Le Tibet méridional regroupe les trois quarts de la population tibétaine, en raison de la relative douceur du climat. La seule grande ville est Lhassa (123 000 habitants en 1993), l’ancienne capitale politique du Tibet. La seconde ville du pays est Chigatse (Jih-k’a-tse).

 

La majorité de la population est formée par l’ethnie tibétaine. Toutefois, les Chinois forment une minorité de plus en plus importante en raison de la politique de colonisation et de sinisation imposée par le gouvernement chinois. Ils se concentrent dans les vallées du Tibet oriental. Il existe aujourd’hui une importante communauté de réfugiés tibétains au Népal, au Bhoutan et, surtout, en Inde. Ceux-ci ont fui le Tibet après l’insurrection de mars 1959 et sa violente répression par la Chine.

 

Les deux langues principales sont le tibétain et le chinois. Le tibétain, parlé par la majorité de la population tibétaine, appartient au groupe des langues sino-tibétaines. Le Tibet est la terre d’origine d’une forme particulière de bouddhisme, le lamaïsme. Le lamaïsme a adopté des éléments de la religion prébouddhique, issus du chamanisme. Malgré la répression opérée par les autorités chinoises depuis 1959, il est toujours pratiqué par la majorité des Tibétains. Leur chef spirituel, le dalaï-lama, vit en exil depuis 1959. Quelques minorités islamiques, chrétiennes et hindouistes sont également présentes au Tibet.

 

 

La culture tibétaine classique, essentiellement religieuse, a donné naissance à des formes artistiques originales comme les bannières peintes, les peintures murales (thang-ka) et les mandalas. Elle a hérité de toute la tradition du bouddhisme indien : les Tibétains ont compilé et conservé certaines des collections les plus complètes des sutras du Mahayana. Par ailleurs, le lamaïsme a donné naissance à un grand nombre de festivals religieux, de cérémonies et de fêtes traditionnelles. Une littérature profane, de moindre importance, s’est également développée.

 

La vie économique du Tibet reste centrée sur l’agriculture de subsistance et l’élevage. Les pâturages clairsemés du haut Tibet sont parcourus par les éleveurs nomades qui élèvent yacks, moutons, chameaux. Le yack, particulièrement bien adapté au climat, est un animal de bât et fournit du lait transformé en beurre que l’on consomme avec du thé. Dans les vallées, l’élevage transhumant pratiqué en été offre un complément aux activités agricoles. Les terres arables ne sont pas très étendues et sont concentrées dans les fonds de vallées humides. On y cultive de l’orge, consommé sous forme de farine grillée (tsamba), qui est la base de l’alimentation tibétaine, du blé, du seigle, des pommes de terre, et différents fruits et légumes. Le coton, le soja et le chanvre sont produits à des fins commerciales. Les Chinois cultivent également le riz et le maïs dans les vallées orientales. La houille fait l’objet d’une petite exploitation. L’artisanat est actif (tapis, orfèvrerie, etc.). Les activités industrielles se développent, notamment dans le domaine du textile ou de l’équipement électrique. Elles restent toutefois limitées.

 

Le Tibet ne dispose pas de chemin de fer, mais le réseau routier, pratiquement inexistant avant 1950, a été considérablement développé par les autorités chinoises, celles-ci cherchant, pour des raisons géostratégiques, à désenclaver le Tibet et à en rendre l’accès plus facile. Une grande route transtibétaine traverse le pays d’ouest en est. D’autres routes relient la région au Xinjiang, au Qinghai, et au Sichuan à l’est, et au Népal et à l’Inde au sud. Il existe plusieurs aéroports dont le plus important est celui de Lhassa.

 

Les commencements de l’histoire du Tibet sont mal connus. Il semble que le pays ait été divisé en principautés qui, à la fin du VIe siècle, furent réunies sous l’autorité du roi Namri Songsten (570-619). Songtsen Gampo (610-649), son fils, poursuit l’œuvre d’unification du pays et introduit le bouddhisme, la nouvelle doctrine permettant notamment à la royauté de se défaire du carcan de la religion Bön qui restreignait ses pouvoirs. C’est à cette époque qu’est fondée Lhassa avec son plus ancien sanctuaire bouddhiste, le Jokhang. Le VIIe siècle est marqué par une politique d’expansion guerrière et jalonné d’affrontements avec les populations frontalières de l’Inde, du Népal et de la Chine. C’est aussi l’époque où les caravanes empruntent la route de la Soie. En 763, sous le règne de Trisong Detsen (742-797), les forces tibétaines envahissent la Chine alors en proie à la rébellion d’An Lushan, et s’emparent, pour peu de temps, de la capitale Chang’an (l’actuelle Xi’an). Mais le nom de Trisong Detsen est aussi lié à celui du bouddhisme : c’est lui qui invite quelques-uns des plus grands maîtres bouddhistes indiens et chinois à enseigner la doctrine bouddhiste au Tibet. Parmi eux, Guru Rimpoche, le Précieux Maître Padmasambhava, venu de la vallée de Swat en Inde, qui est considéré comme le fondateur du bouddhisme tantrique tibétain.

 

Le royaume tibétain entre au IXe siècle dans une période obscure. L’unité du pays se désagrège. Le bouddhisme ne connaît un nouvel élan qu’au xie siècle avec l’arrivée de nouveaux missionnaires venus d’Inde, dont le célèbre Atisa (982-1054) du monastère de Nalanda. Cette « seconde fondation » a des conséquences sur l’état politique et religieux du pays. La féodalité et la théocratie tibétaine se mettent en place vers cette époque. En même temps que la noblesse, les monastères bénéficient d’une puissance accrue, tant sur le plan séculier que religieux. En 1240, des forces mongoles attaquent plusieurs monastères. En 1247, le grand lama Sakyapa gagne la sympathie de l’empereur mongol Godan qui le désigne comme vice-roi chargé des affaires séculières du Tibet. Sous les auspices de Kubilaï Khan, converti au bouddhisme par les Sakyapa, l’administration de la région est réorganisée.

 

Le Tibet reprend son indépendance après la chute de la dynastie Yuan en 1368. Des monastères rivaux tentent alors de s’emparer du pouvoir détenu par les lamas qui occupent les fonctions de vice-rois. Un gouvernement séculier est restauré pendant une brève période au XVe siècle. Le bouddhisme tibétain bénéficie d’un nouvel essor grâce aux mesures prises par le moine réformateur Tsong-kha-pa (1357-1419), qui fonde l’ordre religieux des Gelugpa, plus connu sous le nom de l’école des « bonnets jaunes » ou école des « hommes vertueux ». En 1578, le prince mongol Altan accorde au troisième abbé des Gelugpa le titre de dalaï-lama du khanat mongol, titre qui assoit son autorité religieuse. Les décennies suivantes, royaumes, fiefs et monastères du Tibet se livrent une guérilla incessante. Vers 1642, l’alliance des Mongols et de la secte Gelugpa permet d’établir au Tibet un gouvernement théocratique, sous l’autorité des dalaï-lamas, qui subsistera jusqu’en 1959. Le cinquième dalaï-lama (1617-1682), grand érudit, homme politique au talent d’administrateur, rétablit la paix et l’unité. Il fait restaurer et construire de nombreux temples et commence l’édification du palais du Potala.

 

Au début du XVIIIe siècle, les Mongols et les empereurs de la dynastie Qing interviennent de nouveau dans la vie politique du Tibet quand le sixième dalaï-lama est accusé d’imposture puis déposé. Une guerre civile s’ensuit à laquelle la Chine met fin. En 1720, des troupes chinoises expulsent les Mongols et entrent dans Lhassa. Les empereurs Qing affirment leur souveraineté sur le pays, en laissant dans la capitale des représentants et une petite garnison. En 1750, le gouvernement du pays est de nouveau confié aux dalaï-lamas.

 

En 1788, pour des raisons économiques et territoriales, le Népal rompt les relations pacifiques qu’il entretenait avec le Tibet et lance les bataillons gurkhas contre les Tibétains. Gravement menacés, ces derniers ne doivent leur salut qu’à l’intervention des armées de l’empereur Qianlong qui oblige, quatre ans plus tard, les Gurkhas à signer la paix. Les Chinois en profitent pour resserrer leur contrôle sur le gouvernement tibétain. En outre, le clergé tibétain et le gouvernement impérial choisissent de fermer le pays aux étrangers. La dynastie Qing ne s’implique pas dans les guerres du Tibet contre le Ladakh en 1842 ni contre le Népal en 1858.

 

Le déclin de l’empire mandchou, affaibli par les révoltes paysannes et les guerres avec les puissances coloniales, a des répercussions sur le Tibet. En 1904, le Tibet, gouverné par le treizième dalaï-lama et pratiquement libéré de la suzeraineté chinoise, est envahi par les Britanniques. Ces derniers redoutent l’expansion russe en Asie centrale et craignent un rapprochement entre le tsar (qui compte des sujets bouddhistes) et le dalaï-lama. En 1906, le vice-roi des Indes, lord Curzon, signe à Pékin une convention bilatérale sino-britannique. Aux termes de cet accord, l’Empire chinois obtient la reconnaissance de sa souveraineté au Tibet. La convention prévoit également le paiement d’une forte indemnité aux Britanniques, qui retirent leurs troupes. En 1907, les Britanniques et les Russes concluent un accord par lequel ils s’engagent à ne pas intervenir dans les affaires tibétaines.

 

L’accord sino-britannique incite la dynastie des Qing à envahir le Tibet en 1910, mais à la suite du renversement de celle-ci en 1911, le Tibet devient de facto indépendant. Les troupes et les autorités officielles chinoises sont expulsées du pays en 1913. L’année suivante, une conférence réunit à Simla des représentants des autorités britanniques, chinoises et tibétaines. Il en résulte une convention provisoire qui porte sur l’harmonisation de leurs relations mutuelles et en particulier sur la question des frontières. La convention prévoit également l’autonomie du Tibet extérieur et la souveraineté de la Chine sur le Tibet intérieur (c’est-à-dire les provinces orientales), avec lequel elle a une frontière commune. L’accord ne sera jamais ratifié par la Chine. En 1918, les relations entre le Tibet et la Chine se dégradent un peu plus et se transforment en conflit armé. Une trêve est conclue en septembre 1918 avec l’aide des Britanniques. Les efforts entrepris pour arriver à un accord n’ayant pas abouti, des combats éclatent à nouveau en 1931. Le treizième dalaï-lama continue à gouverner le Tibet comme un État indépendant en tentant de s’appuyer sur la Grande-Bretagne qui, malgré ses promesses, intervient peu.

 

En octobre 1950, soit un peu plus d’un an après la proclamation de la République populaire de Chine, l’Armée populaire de libération envahit le Tibet. Les troupes tibétaines sont submergées. Ni la Grande-Bretagne, ni l’Inde n’offrent leur aide. La plainte adressée aux Nations unies en novembre 1950 reste sans réponse. Le gouvernement tibétain signe, le 23 mai 1951, un traité qui réunit le Tibet à la Chine populaire en échange du maintien des droits de leur chef spirituel et du respect des monastères. Les unités militaires chinoises atteignent Lhassa en octobre 1951.

 

Les deux parties respectent un temps cette paix de compromis. Le dalaï-lama abolit la corvée et les dettes agraires, les Chinois redoublent d’efforts pour créer un réseau routier, construisent des aéroports dans différentes parties du Tibet ainsi que des routes militaires. En 1953, l’Inde reconnaît le rattachement du Tibet à la Chine et retire les garnisons qu’elle maintenait à la frontière tibétaine. Le dalaï-lama est élu vice-président du Congrès national du peuple, qui constitue l’assemblée législative chinoise. Aux termes d’un accord signé en avril 1955, l’Inde abandonne à la Chine le contrôle du réseau téléphonique, télégraphique et postal du Tibet. Un comité est instauré en 1956 pour établir les bases d’une Constitution tibétaine. Le dalaï-lama est nommé président et le panchen-lama premier vice-président du pays.

 

 

Mais ces réformes entreprises à la hâte et l’idéologie marxiste heurtent un peuple de paysans et de moines, profondément religieux. En 1956, les Tibétains se soulèvent et mènent des actions de guérilla contre le régime chinois. Mao Zedong déclare quelques mois plus tard que « le Tibet n’est pas encore prêt pour l’établissement d’un régime communiste ». En 1958, d’importantes opérations de guérilla sont signalées à l’est du Tibet. Cette rébellion fait probablement suite aux tentatives d’instauration de communes populaires. Malgré l’annonce par les autorités chinoises du report de l’établissement des communes, l’extension du conflit armé ne peut être évitée.

 

Le 10 mars 1959, une révolte d’une grande ampleur éclate à Lhassa. Le jeune quatorzième dalaï-lama s’enfuit en Inde, où il est rejoint par la suite par près de 200 000 Tibétains. Les Chinois écrasent alors la révolte et nomment le panchen-lama à la tête de l’État. Les tribus khampas (soutenus par la CIA) poursuivent leurs opérations de guérilla à partir du Mustang un certain temps avant d’abandonner. On estime à 87 000 le nombre de Tibétains morts au cours du soulèvement. Le 21 octobre 1959 et le 9 mars 1961, l’assemblée générale des Nations unies approuve une résolution qui déplore la suppression des droits de l’homme au Tibet.

 

 

Les dizaines de milliers de Tibétains exilés s’installent pour la plupart en Inde et dans les royaumes himalayens du Népal et du Bhoutan. Le dalaï-lama établit un gouvernement en exil en Inde, à Dharamsala. Jusqu’en 1979, les gouvernements tibétain et chinois n’auront aucun contact. En 1965, le Tibet est découpé en plusieurs zones administratives : Région autonome du Tibet, Qinghai, le reste du Tibet étant réparti entre les provinces voisines du Yunnan, de Sichuan et de Ganta. Pékin annonce que de profondes transformations socialistes vont être entreprises. Pendant la révolution culturelle, les Gardes rouges intensifient les persécutions antireligieuses, dynamitent monastères et monuments bouddhistes, brûlent tous les écrits religieux, stérilisent les femmes tibétaines. On estime qu’un sixième de la population tibétaine, plus d’un million de personnes, a disparu depuis 1950. En 1978, 13 monastères sur 6000 demeuraient partiellement intacts.

 

Après la Révolution culturelle, la Chine décide d’assouplir progressivement sa politique à l’égard du Tibet. Le panchen-lama, démis de ses fonctions en 1964, retrouve sa place au sein du régime en 1978 et exhorte à plusieurs reprises le dalaï-lama à revenir dans son pays. En 1984, le gouvernement annonce la mise en place de réformes et le pays est ouvert au tourisme international. Certains monastères détruits par les Gardes rouges sont reconstruits et les grandes fêtes religieuses tolérées. Toutefois, toutes les ressources naturelles du pays sont exploitées au profit de la Chine. En octobre 1987 éclatent de violentes manifestations qui dénoncent l’oppression chinoise. La répression se traduit par des milliers d’exécutions ou d’emprisonnements accompagnés de tortures. L’attribution du prix Nobel de la Paix au quatorzième dalaï-lama Tenzin Gyatso en 1989, mal perçue par le gouvernement chinois, n’amène aucun changement de politique. En mai 1993, les autorités chinoises durcissent leur politique (suppression de la liberté d’opinion, stricte surveillance de la population, contrôle des activités religieuses et installation de colons chinois d’origine Han). En août 1993, des pourparlers ont lieu entre les autorités chinoises et les représentants du dalaï-lama, mais le statu quo demeure tandis que la résistance tibétaine reste vive. Malgré la volonté de négociation du dalaï-lama et la mort de Deng Xiaoping, les nouveaux dirigeants chinois restent sourds à toute résolution pacifique du problème tibétain. Aujourd’hui, la population tibétaine (6 millions) est devenue minoritaire, colonisée par 7,5 millions de Chinois. 136 000 Tibétains vivent en exil.

 

 

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Publié dans HISTOIRE

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